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Bertrand de Lavergne

Un des rares galeristes spécialisés dans la tabatière chinoise et la porcelaine de Chine, Bertrand de Lavergne est membre de la CNES (Chambre Nationale des Experts Spécialisés en objets d’art et de collection), de la CNE (Compagnie Nationale des Experts en Art), du SNA (Syndicat National des Antiquaires), de la Chambre Royale des Antiquaires de Belgique (ROCAD) et de l’International Chinese Snuff Bottle Society. Il est cofondateur de l’Association des Spécialistes de la Céramique de Collection. 

Galeriste depuis 1985, en collaboration avec Laurence Werlé (également expert CNE) depuis 24 ans, il expose depuis 2015 au cœur de Paris, au 17 rue des Saints-Pères.

Pour commencer, pourriez-vous décrire votre parcours ? Pourquoi cette spécialisation dans les tabatières chinoises ?

Cette année est ma 39e année en tant que marchand. Je fêterai mes 40 ans de galeriste l’année prochaine ! Mais avant de devenir marchand, j’étais collectionneur. J’avais accumulé tant d’œuvres chez moi que ma femme m’a demandé soit de vendre soit d’ouvrir une galerie. Et c’est ce que j’ai fait. 

Mes premières acquisitions et ventes de tabatières chinoises datent des années 1980. Nous étions peu nombreux en Europe à l’époque : on disposait de peu d’éléments historiques sur cette spécialité et de très peu d’ouvrages de références pour nous guider (surtout dans la datation). J’allais assister à Drouot aux ventes de la commissaire-priseur Viviane Jutheau, la première grande spécialiste française de tabatières chinoises.

J’ai ouvert ma première galerie au Louvre des Antiquaires en août 1985 en vendant d’abord des tabatières et aussi de la porcelaine de Chine (notamment des porcelaines d’exportation). J’y suis resté pendant 30 ans. J’ai quitté ma galerie à la fermeture du Louvre des Antiquaires pour en ouvrir une rue des Saints-Pères en février 2015. 

 

Comme à l’époque de mes débuts il y avait sur le marché beaucoup de faux en pierre et que la datation des œuvres est beaucoup plus précise pour la porcelaine, j’ai évité à mon arrivée au Louvre des Antiquaires tout ce qui n’était pas de porcelaine. 

Pourtant on faisait des tabatières avec toutes les matières imaginables : laque, jade, verre, agate, ambre, ivoire, montées par les européens... Les Chinois ont même réalisé des tabatières dont l’intérieur était peint et il existe encore aujourd’hui en Chine des peintres de tabatières de ce type (j’ai d’ailleurs exposé les œuvres de Su Fengyi dans ma galerie). 

C’est à partir de 1989-1990 que j’ai commencé à chercher des tabatières faites dans d’autres matériaux et j’ai étendu ma spécialisation à la totalité des tabatières chinoises.

Le commerce et l’étude des tabatières ont longtemps été peu répandus, comment se sont-ils popularisés ?

 

C’est un jeune anglais, Hugh Moss, neveu d’un grand galeriste londonien qui était déjà un grand nom dans l’art japonais – et il l’est toujours – qui a commencé à s’y intéresser dans les années 1965. Il a créé une revue spécialisée qui a déclenché l’intérêt des collectionneurs. En France, c’est à partir de l’exposition « Très précieuses tabatières chinoises » à l’Arcade Chaumet en 1982 que l’engouement a démarré et que des collectionneurs se sont mis à collectionner ces petits flacons.

 

Tabatière en cristal de roche peinte à l’intérieur

Zhong Kui, le dompteur de démons à dos de mule accompagné par deux démons et escortant sa sœur assise sur un char. Elle est accompagnée par trois autres démons dont l’un porte des parapluies pliés, l'autre un pot duquel s’échappent cinq chauves-souris symbolisant les cinq bonheurs. Cette procession se rend au mariage de Zhong Kui. 

Chine, peinte à l’atelier du bosquet des Abricotiers, signée Ye Zhongsan et datée de 1919. 

Hauteur : 5, 9 cm

Provenance : Robert Hall, France

Bouchon en agate rubanée grise.

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Vous avez participé à la création de l’association des Spécialistes de la Céramiste de Collection, pourriez-vous nous en dire plus ?

 

Nous avons fondé cette association avec Christian Béalu, Vincent L’Herrou (galerie Théorème) et Pierre-Richard Royer à la fin des années 1990. Nous sommes tous les quatre spécialistes de la céramique ancienne. Notre but était de promouvoir la céramique par l’organisation d’un salon annuel, qui s’est longtemps tenu dans à l’Hôtel Dassault. Mais le marché a connu une période difficile ce qui rendait l’organisation d’un salon compliqué : nous n’étions qu’une quinzaine alors qu’on considère généralement qu’il faut au moins 20 à 30 exposants pour faire un bon salon. Nous avons donc changé pour créer le Parcours de la Céramique qui se déroule dans nos galeries. C’est l’occasion de sortir de belles pièces pour les collectionneurs et conservateurs du monde entier. 

 

Une vente qui a marqué votre carrière ?

 

J’ai vendu une salière de la fin du XVIe siècle en porcelaine d’époque Ming que j’avais acquise par le plus grand des hasards. C’était un bel objet dont il existe peu d’exemplaires puisque le sel était peu utilisé en Europe (un produit de luxe très cher à cette époque).  

J’ai beaucoup vendu aux musées, notamment au musée de la Compagnie des Indes de Lorient et au musée des Arts décoratifs de l’Océan Indien à Saint-Louis. L’île de La Réunion (autrefois l’île Bourbon) était un relai pour les bateaux de la Compagnie des Indes du XVIe au XVIIIe siècle et son musée conserve une large collection de mobilier, textiles, argenterie et porcelaine, qui illustre le trafic maritime et les réseaux d‘échanges entre l’Est et l’Ouest.

Quel objet ou ensemble de porcelaine recommanderiez-vous d’aller voir ?

 

Au musée de la Compagnie des Indes de Lorient, la collection de Monsieur Hervouët, une des plus importantes au monde sur la porcelaine de Chine à décor occidental qui se diffuse à partir du règne de Kangxi (1662-1722) où les européens font de nombreuses commandes de pièces armoriées et des pièces faites en porcelaine de Chine d’après des tableaux de peintres européens célèbres.

 

Plat en porcelaine de la « famille verte » de forme godronnée, la bordure en accolades, aux armoiries du Royaume de France comportant l'inscription "FRANKRYK" en néerlandais, exécuté d’après des modèles d’orfèvrerie européenne. Sur le marli figurent douze réserves en forme de pétales de lotus contenant en alternance des personnages chinois dans des paysages et des vases fleuris. Chine, époque Kangxi (1662-1722), vers 1710-1715. 

Référence : Hybrides. Porcelaines chinoises aux armoiries territoriales européennes", catalogue d'exposition organisée au Musée national d'histoire et d'art du Luxembourg du 15 février au 06 avril 2003

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Assiette en porcelaine émaillée en polychromie ornée de l'allégorie de la Terre d'après un tableau circulaire de la série des "Quatre éléments", peint par Francesco Albani en 1635. On peut y voir Cybèle, mère des dieux et de l'univers et les trois saisons les plus agréables, le printemps, l'été et l'automne. Le printemps apparaît sous les traits de de Flore, également représenté par les petits amours qui cueillent des fleurs et en couronnent une jeune fille ; Cérès, emblème de l'été, commande à des enfants divers travaux de la moisson ; Bacchus représente l'automne ainsi que des amours qui cueillent des raisins et des fruits. 

Chine, vers 1745. 

Pièce similaire : Hervouët, n°13-95, p. 319.

Quel serait, selon vous, les ouvrages de référence sur le sujet ?

Pour les tabatières, les sept volumes de la collection Bloch par Hugh Moss, Ka Bo Tsang et Victor Graham qui répertorient la tabatière chinoise dans tous les matériaux. Mais c’est un ouvrage en anglais qui n’a jamais eu de traduction française. En français, on dispose du livre de Bob Stevens, traduit en 1980, et du Guide du collectionneur de tabatières chinoises de Viviane Jutheau qui est longtemps resté le seul ouvrage français dans le domaine. 

Pour la porcelaine de Chine, l’ouvrage de monsieur Hervouët, répertoriant tous les décors occidentaux sur la porcelaine chinoise, est incontournable. C’est d’ailleurs une référence importante pour les musées et collectionneurs.

 

Votre coup de cœur artistique ?

 

L’une de mes passions à l’origine, outre les tabatières, c’étaient les estampes européennes de la fin du XIXe et de la première partie du XXe siècle. J’ai commencé à les collectionner à titre personnel mais leur prix était assez élevé ce qui limitait mes ambitions. Le marché était plus ouvert pour la porcelaine de Chine dont les prix étaient plus abordables.

Une exposition qui vous a marqué ?

L’exposition « China. The three Emperors, 1662 – 1795” qui a eu lieu en 2005-2006 à la Royal Academy of Arts de Londres. Elle présentait les collections personnelles des trois empereurs majeurs de la dynastie Qing : Kangxi (r. 1662-1722), Yongzheng (r. 1723 – 1735) et Qianlong (r. 1736-1795). C’était une exposition magnifique : on avait l’impression de rentrer dans l’intimité des empereurs et de vivre avec les pièces extraordinaires qu’ils utilisaient quotidiennement. Cette exposition fut aussi présentée au musée du Louvre mais dans une version bien plus réduite.

Vos futurs projets ?

 

Continuer ce métier que j’adore, et le plus longtemps possible !

Pour en savoir plus :

Galerie Bertrand de Lavergne

17 rue des Saints-Pères

75006 Paris

  • Viviane Jutheau, Guide du collectionneur de tabatières chinoises, Paris : Éditions Denoël, 1980

  • Hugh Moss, Victor Graham et Ka Bo Tsang, A Treasury of Chinese Snuff Bottles – The Mary and George Bloch Collection, Hong Kong: Herald International, 1998

  • François et Nicole Hervouët, Yves Bruneau, La Porcelaine des Compagnies des Indes à décor occidental, Paris : Flammarion, 1986

  • Bob C. Stevens, Les tabatières chinoises – Le guide du collectionneur, Société française du livre Paris / Office du livre Fribourg, 1980

 

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